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Sebastien Abdi

Le défi d’un nouveau Parcoursup : comment faire mieux chaque année ?


700 000 ! C’est le nombre de jeunes bacheliers qui espèrent trouver leur place dans l’enseignement supérieur cette année, parmi les 21 000 formations qui leur sont proposées. Pas simple !


Alors, j’ai beau y réfléchir lors de mes trajets en TGV, et ils sont fréquents, je ne peux m’empêcher de penser que le zéro défaut cher à nos amis japonais, est encore un peu loin. Je pense aussi à celles et ceux qui, une fois encore, vivront la douloureuse expérience des laissés-pour-compte, des abandonnés-par-le-système, et qui prendront, ici ou là, la parole pour crier leur mécontentement. Pas facile à entendre, tant nous sommes tous épris de justice sociale, d’équité absolue face à l’accès à une éducation de qualité, aux formations les plus abouties et révélatrices des futurs talents dont nous avons tant besoin.


Alors ce nouveau Parcoursup, est-il enfin plus performant ?

De quelle performance s’agit-il ici ? Pourquoi et comment une plateforme de « rencontre » entre candidats et places disponibles peut-elle être équitable ? Qui définit les règles et comment sont-elles comprises par les futurs étudiants ?


Rappelons que le principe de ce parcours vers le Sup, est basé sur la formulation des vœux par chaque étudiant. Et ceci est possible jusqu’au 9 mars cette année. Sans doute est-ce l’étape clé, puisqu’il faut à la fois viser les formations que l’on souhaite obtenir à l’idéal, et faire preuve de pragmatisme en cherchant la bonne adéquation entre talents à développer, et compétences acquises et validées par le dossier scolaire du bachelier. Se rêver ingénieur.e lorsqu’on a eu les pires difficultés à suivre en maths et/ou en physique risque, sans surprise, de déplaire au fameux algorithme. Mais surtout la difficulté majeure que rencontre les candidats résulte de la complexité du système et de l’hyper abondance du choix. Comment choisir alors que nombreux sont les articles parus dans les médias pour souligner que les métiers de demain ne sont pas encore inventés ?

Dans son dossier thématique sur le sujet, l’Obs prodigue de nombreux conseils aux futurs étudiant.e.s. Comme d’autres magazines, l’hebdomadaire insiste sur la nécessité d’une stratégie à imaginer et sur le danger des effets de réputation. Sur ce dernier point, nous le savons, l’époque est malheureusement à l’influence excessive des réseaux sociaux et des scores ou des likes attribués un peu légèrement par telle ou telle communauté. Se précipiter vers les formations pour community manager est-il une voie à suivre alors que l’intelligence artificielle promet déjà de remplacer très rapidement ces métiers inconnus il y a 10 ans ? Comment attirer de nouveaux talents vers les métiers de la santé ? Devraient-ils opter pour la voie royale du PAS (majeure en santé) ou plus prudemment s’inscrire en LAS (qui permet d’accéder à la santé tout en choisissant une majeure autre pour obtenir sa licence) ?

Les questions sont nombreuses et les étudiants, et leurs parents, souvent un peu perdus dans cette immensité d’options qui se présente à eux. Un peu comme si toutes les destinations sympathiques étaient au départ d’une seule et même gare : comment pourrais-je choisir, me dis-je en laissant filer mon TGV vers le sud.


Alors, naturellement, on peut mettre sur le compte d’un manque de clairvoyance, les échecs vécus par les néo-bacheliers lorsqu’il s’agit d’affronter Parcoursup. Quels sont les autres écueils que recèlent encore la plateforme ? Le système de sélection est-il complètement équitable ? Pour l’immense majorité des cas, le choix final est souvent identique au premier ou second vœu. Aucun doute à avoir, l’informatisation des sélections a permis d’optimiser les attributions de place et d’harmoniser les équilibres entre l’offre et la demande. Même si les meilleurs ont toujours les meilleures places, rien n’est contestable sur ce plan, et personne ne songe sérieusement à remettre ce système en question. Tout le monde ne sera pas diplômé de polytechnique ou chirurgien, ni même chercheur en économie.

Comme pour tous les systèmes, le bât blesse pour ceux qui en sont à la marge. Celles et ceux qui ont eu des résultats moyens, qui hésitent et ne connaissent pas vraiment ce qui les attend, tant à l’université que dans les écoles post-bac, qui visent sans doute la réussite mais n’ont guère conscience de leurs réelles compétences, enfin celles et ceux qui veulent tout, tout de suite et qui n’envisagent pas la possibilité d’une deuxième chance. Pour tous ceux-là, le chemin est laborieux et la déception trop souvent au rendez-vous, début juin, lorsque parviennent les premières réponses de l’algorithme. Car c’est alors, à partir du 7 juin qu’il faudra répondre vite aux propositions éventuelles. Et c’est jusqu’au 13 juillet que les choix seront faits. Or cette volonté de raccourcir les délais de réponse poursuit un objectif louable : celui de diminuer l’attente de bon nombre de candidats, ce qui était une critique forte des années précédentes. « Avec cette modification, nous estimons qu’il y aura une réduction du nombre de candidats qui attendent plus de trente jours pour recevoir leur première proposition », justifie le ministère de l’enseignement supérieur. SMS, messagerie électronique ou encore message via l’application Parcoursup, tout est prévu pour motiver à choisir rapidement.


Rappelons que s’il faudra attendre le 4 juillet, une confirmation avec les résultats du baccalauréat, il y a par ailleurs, une procédure complémentaire qui attribuera des places non choisies à des candidats non retenus en première instance. Une deuxième chance de trouver sa voie jusqu’au 12 septembre qui est évidemment sujette à controverse. Si les « premiers choix » ne sont plus disponibles, est-ce à dire que le reste ressemble de trop près à un « mieux que rien », loin de garantir une nécessaire motivation à l’heure de la rentrée ? L’équité est-elle respectée pour tous ? Certaines frustrations sont inévitables et c’est pourquoi le ministère offre à chacun « la possibilité de demander par courrier, dans le délai d’un mois suivant la notification de cette décision, les critères et modalités de l’examen des vœux ainsi que les motifs qui justifient la décision prise à son égard »


Tout est en place ! Très certainement, dès le premier juin, l’angoisse du résultat envahira les foyers français, convaincus que tout se joue sur la première réponse. Il n’en est rien et les parcours de formation se créent surtout dans un temps long. C’est d’ailleurs ce que souligne Sylvie Amici, présidente de l’Apsyen (Association des psychologues de l’éducation nationale) : « Il faut continuer le travail de recherche sur les formations demandées, vérifier quelles seront les conditions d’études : quels transports, quel hébergement, quel coût ? ».

Comme mon TGV, qui ne me laisse que peu de temps pour aller au bout de cette réflexion, le temps s’est accéléré dans notre société et beaucoup voudraient qu’une réponse soit à la fois immédiate et définitive, que chacun puisse étudier ce qui le passionne ou ce qui lui donnera accès aux plus beaux métiers. Idéalisme que nous adoptons d’autant plus facilement que la réussite sociale dépend à l’évidence du niveau d’étude. S’en remettre à l’impartialité d’un logiciel, d’une plateforme numérique peut nous rendre victime d’un trompe l’œil. Derrière les choix renseignés avec précision et espérance par les jeunes bacheliers, il y a des commissions qui statuent sur la qualité des dossiers et qui décident de retenir ou de refuser tel ou telle candidat.e. Rien n’est laissé à la seule machine. L’humain est souverain dans les décisions qu’il prend et lui crier sa déception est aussi légitime qu’inutile. Il fait de son mieux, lui aussi.


Parcoursup 2023 sera plus performant que ses prédécesseurs. C’est une certitude. Il sera néanmoins loin de cet idéal que nous appelons de nos vœux. Il fera l’objet de nouvelles critiques. Rapidement il faudra imaginer de nouveaux correctifs pour la prochaine édition. C’est le propre de toute plateforme numérique et aussi celui des humains. Il est tout à fait normal de vouloir ce qu’il y a de mieux et nous pensons un peu trop naïvement que la machine y parviendra sans difficulté. Or, là encore, chaque version apporte un progrès dans la performance.


En arrivant à destination, j’ai la tentation de me souvenir de mon parcours. La sensation d’être parti de loin se mêle à l’excitation de découvrir de nouveaux horizons. Est-ce le parcours qui décide de notre futur ou bien davantage est-il dessiné par nos envies, nos rencontres et les opportunités professionnelles que nous saurons saisir ? Pour celles et ceux dont l’avenir dépendra en partie des choix dictés par Parcoursup, il semble urgent de considérer que cela n’est qu’une étape à franchir, avec détermination, certes, mais en restant persuadé que les talents finissent toujours par trouver le moyen de s’exprimer.

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